D'où vient le nom " Didier Müller ?!
D'où vient le nom de notre Bac à voile ?
La sylviculture du Jura appliquée au pin des Landes
Didier Müller était un expert forestier reconnu originaire du Jura. Il s'installa à Audenge et prôna pendant toute sa carrière une sylviculture pérenne, respectueuse des milieux, et orientée vers la production d'arbres de haute qualité : des arbres comme il en faut pour construire les bateaux !
Malheureusement, ce montagnard chevronné est décédé en 2010 dans un accident de montagne dans les Pyrénées.
Six mois plus tard, notre équipe s'élançait dans la forêt pour couper le premier arbre ce qui, en langage de charpentier, signifie "poser la première pierre". Un des membres de notre équipe, Jacques Hazera (lui-même expert forestier, non seulement ami mais aussi disciple de Didier), a donc tout naturellement proposé de lui rendre hommage en baptisant notre bac à son nom.
Pierre Mallet et Didier Müller ainsi réunis, ce sont donc deux grandes figures de nos chemins communs qui nous indiquent désormais ensemble les bons filets d'eau, les meilleurs chenaux, les phares à suivre et les risées à ne pas manquer.
Didier par les siens Extraits de quelques-uns des hommages qui lui ont été rendus
- De son fils Émile :
Mot d'adieu "Papa" –
« Il est né ici, entre le Jura et les Alpes, entouré de montagnes, d’un lac, de forêts. Son destin était donc d’aimer la montagne, la forêt et puis un peu l’eau, même s’il détestait nager. Toute son enfance il a crapahuté dans les gentianes, dans l’herbe du Haut Jura. [...] Au début il voulait être guide de haute montagne, certainement un rêve d’enfant, puisqu’il préféra bientôt la forêt. Cette forêt qui lui fit découvrir l’Afrique, puisqu’il partit en volontaire là bas, afin d’y planter des arbres. [...]
Là où la forêt domine, il trouva du travail. Presque dans les landes, à deux pas de la mer et trois pas des Pyrénées. L’endroit idéal pour ses trois passions. Il essaya la voile, découvrit les montagnes du Sud et les grandes étendues de Pins. [...]
L’expert forestier passa beaucoup de temps sur des plans, dans son bureau, écrivant des comptes-rendus de ce qu’il avait vu dans les forêts de ses clients. Bien entendu, il délaissait souvent son écran et son clavier pour partir en forêt, pour se dérouiller disait-il. Il ne supportait pas l’enfermement, et préférait marcher des heures dans les hautes fougères, les ronces et les nuées de moustiques. C’était un homme de terrain. Il avançait à travers les arbres enchevêtrés, sautait les fossés et marchait toujours et encore. Infatigable, tenace, parfois un peu trop : il aimait tout vérifier, être sûr qu’il ne manquait pas un hectare ici où là dans son expertise. Il a vu passer Martin, Klaus, Xynthia… trois tempêtes et il était encore là à marcher et mesurer les dégâts. Peu à peu, le Gessien se transformait en Landais, amoureux de ces forêts de Pins pourtant si uniformément linéaires et horizontales. Les hautes cimes brûlées par les chenilles, jaunes de pollen et répandant dans l’air un parfum de résine, c’était son Jura à lui. Il était passé du sapin alourdi par les neiges au pin caressé par le souffle salé de la mer. Il s’était éloigné des sentiers vallonnés pour se faufiler sur les pas des chevreuils. Son métier n’était après tout qu’un prolongement de son enfance, un travail d’amour et non de nécessité.
Dans le Sud-Ouest, son engagement allait peu à peu se renforcer et il commença un nouveau combat. En effet, l’avenir des pins l’inquiétait : le productivisme, la science aveugle et l’oubli des savoirs anciens mettaient en péril la forêt face aux ouragans. Des arbres plus grands plus vites, mais aussi plus fragiles. Aidé d’amis, il s’était lancé dans la promotion d’une forêt plus saine, qui concilierait économie et écologie. Non pas comme la volonté actuelle de séparer zones de production intensives de quelques rares niches naturelles où le marcheur lambda pourrait photographier de jolies fleurs. Non. Il voulait croire en une réconciliation générale entre l’Homme et la nature qu’il aimait tant. Son combat, il était en train de le gagner, il l’aurait gagné. Il s’est arrêté là. Et ceux qu’il a convaincus le gagneront pour lui.»
Texte intégral : http://www.pijouls.com/blog/wp-content/uploads/2014/11/Papa.pdf
- De son ami et collègue Jean-Bernard Carreau :
Discours en mémoire de Didier
« Nous avons un peu marché pour arriver ici. Didier aimait marcher, il ne tenait pas en place. [...]
Nous nous sommes connus à Poisy, l'autre école préparant au BTS "productions forestières" d'alors. [...] Didier dispensait déjà cette joie de vivre, cette soif de contacts, et son sourire était irrésistible.
Dès son arrivée en Aquitaine, il devint enseignant au Lycée Forestier de Bazas de 1979 à 1981, par passion de transmettre un savoir, de partager des points de vue. Les années 80 furent pour lui les années "CAFSO et UCFA", ancêtres de la CAFSA actuelle. De 1983 à 1990, il fut adjoint au chef d'agence de Marcheprime et intégra le service des techniques sylvicoles. Jean-Marie Porquet m'a dit : « j'ai très bien connu et apprécié Didier, surtout du temps où avec Roger Zapata nous formions une équipe passionnée par l'évolution des techniques et où l'amitié rimait avec notre travail». [...]
Dès la création du BTS forestier à Bazas, il a naturellement intégré l'équipe pédagogique. Ses venues étaient toujours attendues autant par les élèves que par moi-même. [...]
Et Didier continue aussi sa quête de connaissances. Il passe brillamment le DESS CAAE (Certificat d'Aptitude à l'Administration des Entreprises) à Bx IV en 1999, et suit les formations de Pro Silva. Une sylviculture proche de la nature lui était familière, venant de l'Est, habitué aux futaies irrégulières, voire jardinées. Pourquoi ne pas l'appliquer au Pin Maritime ? Expert des techniques de sylviculture intensive du Pin maritime, il en connaissait des défauts, ses problèmes d'investissement important, et l'équilibre avec la nature. La régénération naturelle du Pin maritime est-elle possible ? Comment l'obtenir, la favoriser, l'entretenir et la conduire ?
Lors des travaux du GIP EcoFor, il n'imposa pas ses convictions. Il souhaitait les exposer, en débattre, argumenter… Il fut convaincant, puisque ses options ont été retenues dans les arrêtés de reconstitution. J'ai déjà eu l'occasion de le dire en pays de Gex, à St Genis-Pouilly, et je le redis aujourd'hui : son combat pour une autre sylviculture, il l'a mené à bout. A d'autres bien sûr de mettre en pratique, d'expérimenter. L'administration accompagnera et suivra ces essais, et les validera s'ils sont concluants.
Il a obtenu son titre d’expert forestier en 1999 et venait d’être élu Vice-Président du Comité des Experts Forestiers du Sud-Ouest.[...]»
Texte intégral : http://www.pijouls.com/blog/wp-content/uploads/2014/11/En-m%C3%A9moire-de-Didier.pdf
- Et enfin de Frédéric San José :
Inauguration du Didier Müller en juillet 2018
« Il était originaire du montagneux Pays de Gex, dans le Jura, et avait aussi des attaches en Suisse. C'était un passionné de montagne et de forêt. Cet homme des cimes enneigées et des forêts jardinées avait peut-être voulu défier son destin en venant s'installer au plat pays d'Audenge, près d'une mer qu'il ne fréquentait pourtant guère, pour s'occuper de pins plantés en ligne en forêt landaise.
Forêt landaise qui a été sa terre de mission et pour laquelle il a prêché pendant vingt ans, mais dans le désert, dans l'espoir d'améliorer la sylviculture.
Cet homme étranger à la mer, étranger aux bateaux, mort un 15 août – jour où l'on bénit les bateaux ! – naviguera désormais dans notre souvenir, en arborant bien haut le pavillon des beaux arbres.»